Recommandations post-COVID pour médecins traitants: Prise en charge

Recommandations pour les médecins traitants: Traitements et réadaptation

Il n’existe à ce jour pas de traitement pharmacologique pour les symptômes persistants après une infection par le SARS-CoV-2. Plusieurs essais sont en cours pour évaluer les traitements potentiels de l’affection post-COVID, y compris les anticorps monoclonaux (56), la thérapie antivirale (57), les antihistaminiques (58), l’anticoagulation (58), et d’autres thérapies d’approches pharmacologiques et non pharmacologiques (59,60).

 

Une approche globale de l’évaluation et de la prise en charge doit être envisagée, et une prise en charge et un suivi interdisciplinaires sont recommandés. En règle générale, la gestion de la réserve d’énergie quotidienne peut réduire l’exacerbation de la plupart des symptômes, une fois que les autres causes ont été éliminées.

 

Il est recommandé de tenir un journal des niveaux d’énergie quotidiens (annexe 2) pour suivre l’évolution des symptômes conformément aux 4P : planifier, prendre son temps, prioriser, positionner. La routine quotidienne est alors ajustée pour donner la priorité aux activités que l’individu considère comme essentielles ou prioritaires, tout en respectant la réserve d’énergie quotidienne. Le journal peut être utilisé pour l’évaluation et la prise en charge ou la planification des activités.

 

L’ergothérapie est recommandée pour mettre en œuvre les 4P dans la prise en charge des rôles sociaux, professionnels, et des activités connexes.

 

Pacing : les activités quotidiennes doivent être adaptées et respecterla réserve d’énergie individuelle afin d’éviter les malaises post-effort, qui nécessiteraient ensuite une période de récupération plus longue. Il s’agit donc de « rythmer » ou de reprendre l’activité de manière mesurée, en équilibrant les périodes d’activité et de repos.

 

La thérapie par les exercices gradués ou les thérapies cognitivo-comportementales ne sont pas recommandées dans l’affection post-COVID.

 

Une approche de médecine intégrative avec des méthodes telles que l’hypnose, la méditation, l’acupuncture ou les vitamines est recommandée pour certains symptômes (vitamine B2 p. ex. pour les céphalées). Le soutien psychologique est important pour les symptômes tels que l’anxiété, le stress post-traumatique ou la dépression.

 

Les thérapies ou les médicaments expérimentaux ne sont pas recommandés et doivent faire l’objet d’une évaluation plus approfondie avant d’être suggérés par les médecins traitants.

 

Le médecin généraliste reste le premier point de contact pour tous les patients.

 

Des outils d’informations et d’autogestion sont disponibles grâce à des ressources en ligne telles que https:// www.rafael-postcovid.ch,https://www.altea-network.com, et https://www.long-covid-info.ch/. Ces outils en ligne sont mis à disposition des médecins, des patients et de leur entourage.

 

Un suivi interdisciplinaire ou une consultation spécialisée sont recommandés si les symptômes ne s’améliorent pas après trois à six mois de suivi ou s’ils sont très invalidants et s’accompagnent d’une importante incapacité fonctionnelle et d’une détérioration de la qualité de vie.

 

Réadaptation

 

La réadaptation est définie comme « un ensemble d’interventions complexes conçues pour optimiser le fonctionnement et réduire le handicap des personnes atteintes de maladies en interaction avec leur environnement » (61). La réadaptation est fortement axée sur la personne, ce qui signifie que les interventions et les approches sélectionnées pour chaque individu dépendent de ses objectifs et de ses préférences. La réadaptation peut être dispensée dans de nombreux cadres différents, qu’il s’agisse du milieu ambulatoire, hospitalier ou d’un cadre communautaire tel que le domicile d’un individu. Les interventions de réadaptation comprennent des éléments préventifs, réparateurs, de soutien (compensatoires) et palliatifs.

 

La réadaptation post-COVID n’implique pas d’entraînement physique à haute intensité et est davantage axée sur l’adaptation, le pacing et la réintégration. En ce sens, la réadaptation a un rôle important à jouer dans la prise en charge de l’affection post-COVID, d’autant plus qu’aucun traitement pharmacologique n’est disponible à ce jour.

 

Ergothérapie

L’ergothérapie est importante dans la réadaptation post-COVID et lorsque les symptômes ont un impact sur la vie quotidienne. Cette thérapie aide à traiter les symptômes et leurs restrictions sur la vie quotidienne (fatigue, malaise post-effort, intolérance orthostatique, troubles cognitifs, douleur, etc.) ainsi qu’à développer l’autogestion pour mettre en œuvre (entre autres) le pacing, la gestion des pauses, la priorisation et la structuration des activités afin de prévenir le malaise post-effort, de maintenir l’autonomie et de tirer le meilleur parti de la vie/de la qualité de vie malgré les limitations et les symptômes existants.

 

Évaluation

L’évaluation initiale de l’ergothérapie se concentre sur les limitations dans l’exécution des tâches quotidiennes, l’impact des symptômes (p. ex. fatigue, malaise post-effort, troubles cognitifs, douleur) sur les activités quotidiennes et les rôles sociaux, et l’influence de l’environnement physique et social sur la capacité fonctionnelle. La Mesure canadienne du rendement occupationnel (MCRO) (62) ou l’Occupational Self-Assessment (OSA) (63) sont des outils d’évaluation validés pour énumérer, hiérarchiser et analyser les principales limitations endurées par le patient et soutenir le processus de fixation d’objectifs.

 

Résultats ciblés

L’intervention vise à prendre en charge les symptômes et à prévenir les malaises post-effort. L’ergothérapie renforce l’auto-efficacité des stratégies de gestion de l’énergie et les compétences d’autogestion des symptômes et de leur impact (p. ex. prévention des malaises post-effort, de la perte de l’estime de soi ou des rôles sociaux). Les patients comprennent mieux la fatigue et les facteurs qui l’influencent et acquièrent des compétences qui leur permettent de mieux expliquer leur état et d’exprimer leurs besoins aux autres (proches, collègues). Ils mettent en œuvre des changements de comportement (p. ex. gestion des pauses, équilibre des horaires hebdomadaires) et appliquent des stratégies (p. ex. comportement ergonomique, simplification des activités, technologies d’assistance) qui leur permettent d’effectuer certaines activités de la vie quotidienne tandis que d’autres activités sont déléguées ou reportées par le biais d’une prise de décision éclairée et d’une éducation thérapeutique.

 

Interventions

L’intervention est une formation à l’autogestion dans laquelle les problèmes professionnels sont abordés avec des éléments de compensation et de soutien. Au stade précoce de la maladie, il est important d’organiser des séances d’évaluation avec de brèves informations et des conseils. À un stade ultérieur, lorsque les patients ont plus d’expérience des symptômes et une meilleure compréhension de leur impact sur les activités quotidiennes, et qu’ils commencent à accepter que le pronostic de guérison soit incertain, une formation structurée à la gestion de l’énergie (individuelle ou en groupe) est nécessaire (64).

 

 

Neuropsychologie 

La thérapie neuropsychologique peut consister en une éducation thérapeutique relative aux symptômes (thérapie individuelle ou de groupe) qui aide les patients à s’adapter à leur niveau de concentration et d’attention et leur donne des conseils sur la manière de gérer la vie quotidienne malgré les troubles cognitifs dont ils peuvent souffrir. Les patients peuvent essayer de réaliser progressivement des tâches demandant plus de concentration tout en respectant leur niveau d’énergie quotidien. Il peut s’agir de payer les factures, de lire deux ou trois pages d’un livre, de tenir une conversation pendant des périodes de plus en plus longues ou de jouer à des jeux demandant de la coordination ou de la concentration. Il n’est pas nécessairement recommandé de se lancer dans une nouvelle activité, les patients devraient se concentrer sur la récupération et la conduite de leurs activités habituelles.

 

 

Physiothérapie

La physiothérapie peut aider à comprendre et à appliquer des stratégies de pacing, ainsi qu’à gérer l’activité physique. Les signaux d’alerte à l’activité physique dans le cadre de la physiothérapie sont le malaise post-effort, l’exacerbation des symptômes après effort, la désaturation ou les palpitations sans cause identifiée autre qu’une éventuelle dysautonomie ou une affection post-COVID.

 

Évaluation

L’évaluation initiale comprend la tenue d’un journal des symptômes et l’exclusion de l’exacerbation des symptômes après l’effort. Une évaluation de l’éventuel malaise post-effort doit être effectuée. Cela peut se faire en utilisant les questionnaires DePaul (3) ou Compass (4). L’évaluation initiale comprend la mesure de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de la saturation au repos et à l’effort (en fonction de la capacité physique). Des tests complémentaires pourraient être utilisés, comme le « test du lever de chaise », qui serait utile pour documenter les progrès si les patients sont déjà capables de faire de l’activité physique (65). D’autres tests, tels que le test de marche de 6 minutes ou les tests d’effort cardio-pulmonaires, ne sont utiles qu’en cas d’autre indication clinique, et ne sont généralement pas indiqués dans le cas d’une affection post-COVID. Il est important de noter que ces tests peuvent aggraver les symptômes et provoquer une décompensation avec un temps de récupération important. Les progrès sont évalués par le retour d’information du patient, en particulier lorsque l’objectif est la stabilité des symptômes et que le suivi n’est pas toujours quantitatif. La tenue d’un journal des symptômes (en particulier dans les jours qui suivent l’activité physique) ainsi que l’évaluation de la perception de l’effort de Borg (66) sont des outils qui peuvent être utilisés pour le suivi.

 

Résultats ciblés

Les objectifs du traitement doivent être spécifiques au patient : pour les patients souffrant de troubles dysautonomiques, les objectifs sont de réduire l’intolérance orthostatique, de stabiliser la fréquence cardiaque, d’améliorer la tolérance à l’effort et de réduire les malaises post-effort. Des exercices de musculation et de capacité respiratoire adaptés peuvent être utilisés s’il n’y a pas d’exacerbation des symptômes. Il s’agit également de renforcer la force musculaire, d’effectuer des exercices isométriques et de récupérer l’amplitude de mouvement des articulations.

 

Interventions

En cas d’intolérance orthostatique sans exacerbation des symptômes post-exercice, les exercices peuvent être commencés en position horizontale pour éviter un trouble dysautonomique en se levant (syncope, étourdissement et tachycardie) (67). Les exercices ne doivent pas être mis en œuvre si le patient présente une exacerbation des symptômes après l’exercice ou si ses activités quotidiennes sont trop difficiles à réaliser. Il s’agit avant tout de réajuster la manière dont l’individu réalise les activités de la vie quotidienne tout en préservant sa réserve d’énergie quotidienne et en évitant les malaises post-effort.

 

La physiothérapie respiratoire est indiquée en cas de séquelles pulmonaires post-COVID (suite à une phase aiguë modérée à sévère de l’infection avec ou sans hospitalisation) et en cas de respiration dysfonctionnelle (syndrome d’hyperventilation). L’objectif est de travailler sur le contrôle de la respiration et de diminuer la ventilation minute (fréquence et volume) sous la supervision de physiothérapeutes spécialement formés. Les techniques respiratoires doivent être mises en œuvre dans les activités quotidiennes afin d’éviter autant que possible une respiration dysfonctionnelle. Des applications sont disponibles en ligne pourfaciliter les exercices de respiration. Les progrès sont basés sur les symptômes et des outils supplémentaires tels qu’un capnomètre peuvent être utilisés, mais ne sont pas nécessaires.

 

Milieu de réadaptation

La réadaptation peut se faire en ambulatoire, en hospitalisation ou en groupe.

La thérapie ambulatoire est le cadre initial recommandé. Dans ce cadre, la thérapie de groupe peut être utile, en permettant aux patients de partager leurs expériences.

Si les mesures ambulatoires ne permettent pas d’améliorer les symptômes ou si les progrès stagnent après une première amélioration, une réadaptation en milieu hospitalier peut être envisagée. La réadaptation en milieu hospitalier présente plusieurs avantages. Tout d’abord, le patient peut prendre le temps de recevoir une thérapie adaptée à ses limites personnelles. En outre, les facteurs de stress quotidiens, tels que prendre soin des enfants, et les tâches ménagères, sont éliminés et le patient a plus d’énergie pour les thérapies. Pour la réadaptation en milieu hospitalier, cependant, les patients doivent être suffisamment en forme pour assister à plusieurs séances de thérapie par jour. Si la capacité fonctionnelle est très limitée, une thérapie à domicile peut être envisagée, si celle-ci est disponible.

 

 

Soins à domicile 

Dans le cas d’affections complexes, de conditions instables et d’un besoin de soins de longue durée, il peut être utile de disposer d’un cadre de soins à domicile avec du personnel soignant. Une gestion des cas peut être mise en place en coopération avec les médecins traitants (gestion des soins à domicile). Du personnel soignant peut soutenir le patient à l’aide des stratégies de pacing et de la physiothérapie, ainsi que l’assister dans les tâches administratives et l’entretien du ménage. En coordination avec le médecin de premier recours, le personnel soignant peut être une ressource essentielle pour les patients qui ne peuvent sortir de chez eux en raison de leurs symptômes ou d’une altération de leur capacité fonctionnelle.